J’ai souvent des clients qui me contactent en me précisant qu’ils recherchent quelque chose de « durable« . Étrange question pour moi, parce que tout ce que je fais est pensé et conçu pour être durable.
Il y a une bonne nouvelle là-dedans :
- 1. Les gens prennent conscience qu’on leur vend des articles qui ne sont pas conçus pour durer,
- 2. Ils ne veulent plus de ces articles jetables.
Hourra ! On est sur la bonne voie.
Cela me fait penser à cette cliente qui m’appelle un jour et me dit : « je voudrais vous commander deux ceintures, parce que j’en ai fait faire deux il y a vingt ans et elles sont un peu en fin de vie, alors je voudrais en faire faire deux autres pour qu’elles fassent encore vingt ans ! ».
Voilà, on y est.
Pas d’entretien, pas de durable
Un article en cuir s’entretient.
Être durable c’est normalement le propre d’un article en cuir. Malheureusement suivant le type de cuir utilisé (et je ne parle même pas des faux-cuirs), la durée de vie d’un article sera plus ou moins longue. Il faut aussi prendre en compte qu’un article en cuir s’entretient, au moins à minima. Si vous le laissez trainer dans la poussière, à l’humidité, en plein soleil pendant des heures, ou si vous cumulez tout ça, la durée de vie d’un article en cuir sera réduite de façon drastique, sans que la qualité du travail ou de la peau ne puissent être mis en cause.
Cependant, suivant le type de finition, il est possible de rendre le cuir un peu moins sensible à ces mauvais traitements. Le travail de la tranche en est l’un des meilleurs exemples : sans finition on laisse les fibres du cuir à l’air libre, c’est donc la porte ouverte pour les poussières et l’humidité. Aussi une finition de tranche évitera aux poussières et à l’humidité de pénétrer les fibres en profondeur. Il faudra cependant veiller à ce que le travail sur la tranche soit correctement réalisé, sans quoi au mieux on perdra la protection rapidement, au pire on aggrave les choses.
Attention : pas trop d’entretien non plus
L’entretien du cuir vise deux buts : nettoyer et nourrir. Si l’on peut nettoyer un article en cuir aussi souvent que nécessaire, il faut prendre garde à ne pas trop le nourrir.
D’une part parce que suivant ce qu’on utilise pour le nourrir (comme l’huile de pied de bœuf par exemple), on peut faire perdre sa rigidité au cuir, lui donner plus de souplesse. Or, lorsqu’on utilise un cuir plutôt raide, on ne veut pas qu’il devienne trop souple.
D’autre part la nourriture en excès d’un article en cuir peut accélérer sa dégradation. Comme en témoigne cet article du musée du Canada, nourrir en excès un article en cuir peut finir par le dégrader plus vite que cela se ferait naturellement.
En résumé : du cuir durable, c’est possible !
A condition d’être travaillé correctement, d’être nettoyé et nourri suffisamment et sans excès, un article en cuir peut durer des décennies, voire plus. Je me souviens encore de cette selle d’équitation, vieille de 70 ans, et encore viable quelques années. On est pourtant là sur un objet soumis à de nombreuses contraintes.
Ici à l’atelier cuir de Cognac, j’utilise des cuirs dont le tannage et le travail assurent une durée de vie relativement longue. De plus, chaque article étant cousu, il est donc forcément réparable.
Si une couture lâche : on la refait, si une pièce de cuir vient à rompre, on la change, et c’est reparti !

Et sur les ceintures c’est encore mieux : je n’utilise que des boucles sur base de laiton massif, quelle que soit la finition, ce qui assure une durée de vie extrêmement longue à la boucle. Donc si le cuir finit par s’user, on coupe, on reprend la boucle, et on fait une nouvelle ceinture, ce qui évite en plus de payer une nouvelle boucle.
En réalité, travailler le cuir revient déjà à faire du développement durable, mais ça, ça fait des milliers d’années que ceux qui travaillent le cuir le savent. On en reparlera dans un prochain article?